• Les Établissements Brampton

    Depuis 1898, les Etablissements Brampton fabriquent à Calais les chaînes de précision. A l'origine, avec un effectif de 40 personnes, ils produisaient des accessoires de bicyclettes, parmi lesquels la chaîne Brampton dont la renommée s'est affirmée depuis 60 ans.

    Depuis lors, abandonnant peu à peu tous autres articles pour le vélo, la société s'est spécialisée dans la fabrication de toute la gamme des chaînes à rouleaux depuis la chaîne de distribution pour moteurs automobiles jusqu'aux chaînes lourdes de transmission pour gros équipements mécaniques et pour la manutention. A présent, mille personnes sont employées à Calais par la société qui, par fusions successives, est devenue l'associée française du groupe Renold — la plus grande Chains Limited industrie du monde de la chaîne mécanique. Son fondateur, Hans Renold, - jeune ingénieur suisse, conçut la première chaîne à rouleaux en 1880 et lança ainsi un type d'organe mécanique qui par son caractère universel et indispensable s'apparente aux roulements à billes et à rouleaux. A présent et depuis longtemps déjà, les chaînes mécaniques sont normalisées en une gamme réduite de types et dimensions capables de répondre à tous les besoins infiniment variés du transport, de l'industrie sous toutes ses formes, du machinisme agricole et ainsi de suite.

    Les chaînes trouvent leur application par millions de mètres annuellement, serviteurs tellement sûrs qu'en général seuls les spécialistes se rendent compte des qualités remarquables de cette forme de transmission : souplesse d'application, transmission positive parfaitement synchronisée, rendement mécanique exceptionnellement élevé (98 %), économie d'espace et de prix, robustesse (la simple et légère chaîne de bicyclette peut supporter 1 tonne), longévité (une transmission industrielle bien conçue dure 10, 15, voire 25 ans).

    La chaîne fonctionne aussi bien sur un moteur tournant à 6000 tours par minute que sur les appareils de manutention se déplaçant de quelques centimètres par minute ; elle peut transmettre une fraction de cheval-vapeur ou 4 000 CV. Il est fait appel aux procédés les plus modernes pour la réalisation des chaînes mécaniques, dont chaque pièce doit respecter des tolérances variantes entre 7 millièmes et 25 millièmes de millimètre. Dans une usine moderne et compacte couvrant 25 000 m2, la Société Brampton produit et assemble de l'ordre de 2 millions de ces pièces par jour ainsi que les roues et pignons correspondants et certains autres accessoires de transmission, tels les accouplements élastiques. La maison allie à une expérience inégalée dans sa spécialité une technique toujours exigeante et d'avant-garde et un contrôle de qualité extrêmement rigoureux à tous les stades de la fabrication ; il y a une personne employée au contrôle pour trois à la production. Le fruit de cette intransigeance professionnelle est l'expansion constante de cette industrie de grande classe, s'appuyant sur une réputation dont Calais s'enorgueillit et qui dépasse de loin les frontières de France.

     Une belle brochette : chaînes à rouleaux allant de 19,575 m/m à 25,5 m/m de pas. (Doc. Brampton)

    Pin It

    votre commentaire
  • Les câbles de Lyon et la téléphonie sous-marine

    Il y a bien longtemps que les premières liaisons transocéaniques intercontinentales ont été réalisées à l'aide de signaux Mors par l'intermédiaire de câbles télégraphiques sous-marins, mais ce procédé ne permettait pas un échange direct de conversations.

    Les conversations téléphoniques par radio à très longue distance permettent, depuis un certain temps déjà, de pallier cet inconvénient, mais les usagers savent combien la qualité et la régularité des transmissions hertziennes laissent encore à désirer. Ce n'est que très récemment que le problème des liaisons intercontinentales a pu être résolu techniquement de façon parfaite. On sait que le trafic terrestre s'est développé par l'utilisation de hautes fréquences qui permettent, par une modulation ap propriée, de superposer sur un même circuit un grand nombre de conversations différentes. Mais ce procédé n'était pas réalisable avec tes câbles sous-marins classiques isolés à la gutta-percha dont les caractéristiques en haute fréquence sont très médiocres. L'apparition de câbles coaxiaux isolés au polyéthylène et dont les pertes électriques sont compensées par des amplificateurs électroniques (répéteurs) répartis le long du câble, a permis des réalisations excellentes.

    Les câbles de Lyon, du groupe de la Compagnie Générale d'Electricité, se sont spécialisés dans la fabrication des câbles coaxiaux, La société a fabriqué le câble Marseille-Alger, mis en service en 1957.

    Ce câble de 880 km est équipé de 28 répéteurs amplifiant les courants dans les deux sens (câble bidirectionnel) ; il permet 60 conversations simultanées. Depuis, la pose d'un câble transatlantique a été décidée pour permettre la relation téléphonique entre New York-Paris et Bonn. Le câble sera immergé entre Claren-Ville (Canada) et Pen-March (Finistère). Les nations intéressées participent à la confection du câble et la Société des Câbles de Lyon, hautement qualifiée, doit fournir une longueur de mile miles (1 852 km) pour la part française. Compte tenu des caractéristiques strictement imposées, une chaîne de montage a été créée à l'usine de Calais dans des bâtiments spécialement équipés.

    Deux cent-cinquante personnes coopèrent à cette fabrication dont une soixantaine sont affectées à des opérations de contrôle.

    Le câble coaxial est composé d'un conducteur central de 4,3 mm isolé par une couche de polyéthylène de 5,65 mm et recouvert de bandes de cuivre constituant le conducteur de retour. Un second ruban de cuivre à recouvrement maintient l'ensemble et le protège contre les tarets, animaux microscopiques du fond des mers qui ne s'attaquent pas au cuivre. Un matelas de jute sépare le câble de sa gaine de protection en fils d'acier. Celle-ci est enfin recouverte d'un manchon goudronné don- nant au câble un diamètre extérieur de 32 mm.

    Le câble transatlantique est du type unidirectionnel à 36 voies, il sera muni de répéteurs tous les 38 miles. Deux câbles semblables permettront d'écouler les communications des deux sens. La fabrication débutée, le 1er avril 1958, n'excédera pas une année. Son caractère très particulier et la perfection technique de la chaîne de montage font honneur à l'industrie française et suscitent l'intérêt des techniciens. Le 15 novembre dernier, 90 membres de la section du Nord et du Pas-de-Calais de la Société des Ingénieurs civils de France visitaient encore cette usine sous la direction de M. Thoreux, président et chef de l'arrondissement de l'exploitation de Lille.

    Il convient de noter que les conducteurs de cuivre utilisés par la Société des Câbles de Lyon, sont transportés à Calais par la S.N.C.F. dans des remorques calorifugées et climatisées pour éviter toute altération du métal.

     

    Cuves de stockage du câble transatlantique. (Doc. C. de L.)

    Pin It

    votre commentaire
  • Calais... Centre mondial pour la fabrication des dentelles mécaniques (Par Louis Caron)

    Un ouvrier anglais, dénommé Heathcoat, fut en 1809, le véritable créateur du métier à tulle, L'année suivante, un perfectionnement était apporté à sa découverte par Leavers, dont le nom reste attaché aux métiers existants actuellement. Selon un historien de l'époque, c'est un autre anglais, Robert Webster qui, réussissant en 1816 à tromper la vigilance de la douane britannique, introduisit à Calais les métiers « Warp et Straight Ils furent à l'origine de notre industrie. Robert Webster fut le premier à travailler à Calais sur un métier à tulle, mais craignant qu'on ne lui prît son secret de fabrication, il ferma ses ateliers à tous les yeux. Cependant, une nouvelle loi exigeant des étrangers des titres pour avoir le droit de demeurer en France, il sollicita et obtint par ordonnance royale du 25 février 1825, l'autorisation de rester à Calais. C'est au no 659, quai du Commerce que le premier métier à tulle fit entendre son chant d'espérance pour l'avenir de Saint-Pierre-les-Calais.

    Pourquoi l'industrie des tulles s'est-elle implantée à Saint-Pierre plutôt que dans un autre pays ? La réponse nous est donnée par un vieil historien calaisien, Jules Bertrand.

    C'est que dès l'origine, les Anglais qui, les premiers sont venus s'installer, ont vu -et jugé que la population Saint-Pierroise possédait la première des vertus humaines, celle de l'amour du travail. » On n'improvise pas une industrie, on la crée, on la suit avec sollicitude, on la voit grandir, on s'y attache, on l'aime ; de là le perfectionnement. « On n'improvise pas un ouvrier, on le forme alors qu'il est jeune, on le fortifie dans une collaboration bien raisonnée, l'intelligence et la persévérance font le reste.

    Fergusson réalisa l'adaptation du Jacquard au métier à tulle en 1833. Cependant, les Calaisiens n'avaient pas attendu la découverte de Fergusson pour faire connaître la qualité et la beauté de leurs dentelles qui étaient confectionnées à la main sur le tulle mécanique. Les industries de la soierie et de la dentelle mécanique doivent leur prospérité à Joseph Jacquard. Son invention a permis d'exécuter des dessins à l'infini dans le tissage et la dentelle.

    Elle devait mettre à la portée de toutes les bourses cet indispensable accessoire de la parure féminine.

    Entièrement concentrée dans Calais-Sud, l'industrie dentellière calaisienne comprend 150 entreprises (dentelles, tulles, broderies), représentant 1 400 métiers et occupant 8 000 personnes. Le métier à dentelle est une machine de haute précision qui exécute des modèles infiniment variés, car la mode capricieuse exige un renouvellement constant. Ces modèles sont l'œuvre de l'esquisseur que le dessinateur exprime de façon définitive pour l'adaptation au métier. Pour la fabrication de la dentelle qui demande une main-d'œuvre spécialisée et qualifiée, on utilise les filés de coton en provenance des filatures françaises et anglaises, la soie naturelle importée d'Italie, le nylon, la rayonne, le métal qui sont de production française.

    L'industrie calaisienne produit une grande variété de dentelles, tant pour la lingerie que pour la couture. Plus de 80 % de sa production est dirigée vers les pays du monde entier.

    La plus grande partie est exportée par l'intermédiaire des maisons de commission. Le principal client est l'Amérique (U.S.A.) dont les achats pour 1957 ont représenté environ 40 % du montant des exportations. Viennent ensuite l'Allemagne 16' %, l'Espagne 9 %, l'Australie 7 %, l'Italie 6 %. Le total des ventes à l'exportation portant sur les tulles unis, dentelles mécaniques, dentelles aux fuseaux mécaniques, broderies mécaniques, voiles et voilettes confectionnés, s'est élevé en 1957, à 5 847 millions pour un chiffre d'affaires total de 10 104 millions. Pour les neuf premiers mois de 1958, les chiffres donnent pour l'exportation la somme de 3 372 millions.

    C'est dire, la place que le centre dentellier de Calais occupe dans l'économie nationale. (L.C.)

    Pin It

    votre commentaire
  • Le charme et la richesse du costume folklorique de Calais avec son soleil de dentelle 

     par Maurice BRYGO Conservateur du folklore Calaisien

    L existait en 1939, un gentil faubourg maritime, plein de pittoresque avec ses rues étroites, ses coutumes ancestrales. On y vivait en famille, on s'aimait, on s'entraidait, mais la guerre dévastatrice a fait de ce hameau un désert, seul le folklore et son costume ont résisté à la tourmente.

    A une certaine époque, vers 1830-1840, les pêcheuses du littoral de Boulogne à Calais, portaient un costume très simple et même assez pauvre comportant : jupe rayée, casaque, tablier, foulard ou cornette, claquettes aux pieds.

    A partir de 1850, le casaquin était ouvert sur la poitrine, le châle en cachemire était au cou et sous cette tunique, laquelle était dénommée carmagnole pour les enfants et casaque pour les jeunes filles et dames.

    Par la suite et jusqu'à cette époque, une tenue d'apparat fut créée et n'est plus portée actuellement que par Boulogne et Calais, celle-ci d'une richesse inégalable tant admirée par les étrangers et estivants et que la matelote porte avec une certaine élégance.

    Qu'on en juge par cette description : Robe soie ou satin broché (bleue-noire-gris foncé, vert foncé, nègre) serrée à la taille, jupe foncée par derrière, cinq à six mètres sont nécessaires pour la confection, queue et trotteuse.

    Col droit officier garni de dentelle blanche (de Calais) ainsi que le bord des manches. Châle soie naturelle à franges bleu-blanc-rose-mauve-gris, avec fleurs et broderies (souvent rapporté des Indes ou d'Espagne par des marins courguinois faisant leur service militaire, à leurs épouses ou mères).

    Pour le deuil, châle noir avec franges ou chenilles. Tablier foncé en soie noire ou satin (à Boulogne, il est plissé à plat) perlé ou brodé sur le devant et à la taille, large ruban en moire ou soie (6 à 7 cm) tombant avec un noeud sur le devant, ce ruban descend jusqu'aux genoux. Bonnet ou coiffe de dentelle blanche, potelé de tuyauté prenant la forme d'une auréole ou soleil (15 cm à 18 cm), nous verrons plus loin comment il se confectionne ; ce « couvre-chef demande également un serre-tête en shirting blanc qui sera sous celui-ci et le maintiendra, également un ruban de 3 à 4 cm, prenant derrière ce soleil et passant sous le menton (il est blanc pour les fêtes et noir pour le deuil).

    Les matelotes calaisiennes portent aux mains des mitaines noires et quelquefois blanches en soie ou fil (les matelotes boulonnaises portent surtout des gants blancs).

    Avant 1914, les Calaisiennes aisées avaient le mantelet avec large capuchon (identique à celui des religieuses) en drap mérinos avec collet et bord en velours noir ou en loutre, avec agrafes et chaînette en or ou en argent.

    Les bijoux de la matelote se composent d'une longue chaîne ou sautoir en or, ayant jusqu'à 3 m et même davantage avec croix ciselée (qui serait, paraît-il, d'origine égyptienne), un barillet de différentes couleurs, ce barillet semble symboliser en réduction le tonnelet d'eau potable ou le flotteur servant au maintien des filets de pêche.

    La Calaisienne dite « Courguinoise » (Edit. Gaby)

    Les pendants d'oreilles sont appelés branches ou grappes de raisins, mesurant 11 cm à 13 cm de longueur, également en or et proviennent souvent des ancêtres (ils seraient d'origine gitane) ; il y a également des camées, glands, boules, grains de café, milano, monstres (blanc- rouge-noir) et bagues à mille têtes, serpent, bouée, nœud d'amour et chevalière gravée.

    Revenons à la coiffe si seyante et si admirée, avant 1914, on portait au Courgain maritime des bonnets en dentelle blanche aux bords ondulés et tuyautés à deux et trois pots avec attache sous le menton.

    Les vieilles personnes portaient la cornette en shirting blanc fortement empesé, appelée à galeuse ou à pompier ; ou le serre-tête avec bords festonnés également en shirting, dénommé : couche-toi là il n'était porté que rarement d'ailleurs.

    Le soleil a pris à différentes périodes des formes diverses, tout en conservant la forme auréolée — penché sur le devant, sur le derrière ; grand, petit, mais toutes ces transformations ont trouvé leurs admirateurs.

    La confection qui demande plusieurs heures de travail, nécessite 2 m de Valenciennes (de Calais), 2 m de mousseline, 0,50 m de fond, cordons. Actuellement, c'est Mlle Gabrielle Rivet, âgée de 72 ans, fille du courageux pilote qui ramena le sous-marin « Pluviose, coulé en 1910, au port de Calais, qui le confectionne.

    Quant au « tuyautage ou "potelage" il est procédé à l'amidonnage cuit, après un repos de 24 heures, on amidonne cru, seule une spécialiste expérimentée est susceptible de mener à bien un tel travail d'art, actuellement, c'est Mme Marie Francq, 83 ans, seule survivante des artisans de ce genre de travail, qui perpétue cette mode.

    Qu'adviendra-t-il quand ces spécialistes âgées ne seront plus de ce monde ?

    Le coût actuel d'un accoutrement » folklorique ou « mise comme on le dénomme chez nous, serait de 200 à 250000 francs, bijoux compris, minimum.

    Calais et Boulogne, avons-nous dit, portent le même costume, avec quelques détails différentiels qui ne sauraient échapper à un œil connaisseur.

    Laquelle de ces deux villes en a été la promotrice ? Nous n'en savons rien.

    Il serait souhaitable que des femmes animées du désir de la continuité des coutumes, reprennent le flambeau de ces mains usées et défaillantes et s'efforcent d'apprendre ce petit travail artisanal.

    L'étranger apprécie et admire les beaux atours de nos grand-mères ; aussi pour perpétuer ce charmant costume, l'amicale des anciens du Courgain maritime a-t-elle voulu, au moyen d'une souscription ouverte, faire ériger une petite statue de 1,55 m. Celle-ci actuellement dans une niche (malheureusement trop haute) sur un immeuble nouveau face au port, se dresse fière de son passé, semblant dédaigner les embruns, les yeux fixés sur son compagnon Gavet, dur et courageux sauveteur, qui fit le sacrifice de sa vie pour sauver celle des autres, ce monument de bronze est l'œuvre de Cornier. Quant à la matelote, elle est due au ciseau du sculpteur calaisien, L. Buisseret, prix de Rome.

    Nous ne dirons pas que le costume a fait le tour du monde, néanmoins, des délégations se sont produites à Paris, Bruxelles, Londres, Lyon, Lille, Tourcoing, Abbeville, Boulogne, etc.

    Les plus de soixante ans » doivent avoir conservé le souvenir de la sensation que suscita à Paris, en 1906, le défilé des tapissières à chevaux sur lesquelles avaient pris place nos matelotes du Courgain, invitées par le comité des fêtes de Paris et conduites par M. Léon Vincent, président des fêtes maritimes, lequel fut député-maire, conseiller général de Calais, tout au long du parcours des carrés de den- telle de Calais furent jetés à la foule en délire.

    Tant de jolis costumes sont allés rejoindre les vieilles lunes et les neiges d'antan, qu'il semble utile de faire tout ce qui est possible, pour essayer de sauver d'une disparition totale la mise et la coiffe de nos Dames de la Halle, nos aïeules, si chères à nos cœurs et c'est le désir le plus cher du signataire de cet article, originaire de ce coin des pêcheurs. (M. B.)

    Pin It

    votre commentaire
  • Le Courgain et ses sauveteurs

    Le sauveteur de bronze est toujours là, prêt à jeter l’amarre au marin en détresse. (Cl. Broncard)

    Avant la dernière guerre, le quartier des pêcheurs, que l'on appelait le Courgain Maritime, était certainement le coin le plus pittoresque de notre cité. Abritées derrière la « muraille », seul vestige des fortifications qui l'entouraient autrefois, ses petites maisons, le plus souvent occupées par deux familles qui disposaient l'une au sous-sol habitable et du rez-de-chaussée, l'autre de l'étage et de la mansarde, se serraient autour des deux « centres » du quartier l'église - Saint-Pierre-et-Saint-Paul, et le minck, vaste bâtiment où le poisson était vendu à la criée au retour de la pêche. Les rues étroites étaient animées par les allées et venues d'une population nombreuse, riche en enfants.

    Au soir du 26 mai 1940, le Courgain n'était plus que maisons écroulées et décombres fumantes.

    Dans les modestes demeures, I’ incendie avait consumé l'armoire dans laquelle la Courguinoise conservait avec soin le costume dont elle était si fière, avec ses châles brodés et le bonnet tuyauté en forme de soleil. Mais à quelques pas de la « muraille », un monument était resté debout, semblant prouver la volonté de vivre « Le Sauveteur » du Courgain de bronze était toujours là, sur son piédestal de pierre, prêt à jeter l'amarre au marin en détresse. Près de vingt ans ont passé depuis ces tristes journées. Un nouveau Courgain a été reconstruit, et ses rues ont retrouvé leurs noms d'antan, témoignage de reconnaissance envers ces enfants du pays, ces Gavet, ces Delannoy ces Mulard, et tant d'autres vaillants sauveteurs, toujours prêts à armer un canot pour voler au secours de leurs frères, en perdition dans le détroit.

    Car nos marins calaisiens n'ont pas attendu, pour faire preuve de leur dévouement, la création de la société centrale de Sauvetage par l'amiral Rigault de Genouilly, en 1865, ni même la fondation de la Société Humaine de Calais, en 1834, sous les auspices du prince de Joinville.

     Nombreux sont les actes de courage que relatent les annalistes et les historiens calaisiens. En février 1756, c'est une frégate anglaise qui fait des signaux de détresse devant le port ; sans s'arrêter à en considérer le pavillon, nos marins arment une chaloupe pour lui porter assistance. Le 18 octobre 1791, par une furieuse tempête, un bateau pêcheur de Dieppe, le « Saint-Pierre », d'un équipage de 34 hommes, fait naufrage à l'est du port. Les Calaisiens réussissent à arracher 21 matelots à la mort et à les ramener au port, mais, dans un ultime essai, leur barque se brise et deux sauveteurs périssent victimes de leur dévouement. Le 14 novembre 1795, un brick anglais, le « Cléopâtre », s'échoue devant Calais. A son bord se trouvent des émigrés français, dont les ducs de Montmorency et de Choiseul. Malgré la tempête, nos sauveteurs, sous la conduite d'un fameux marin, Tom Souville, abordent le brick naufragé, sauvent ses occupants et donnent une magnifique leçon d'humanité à la postérité en transbordant, au risque des plus grands dangers, les plus compromis des émigrés sur un navire anglais qui était au large.

    Les siècles ont passé et, comme dans tous les domaines, le progrès permet maintenant aux sauveteurs d'agir avec le maximum de rapidité et d'efficacité. Mais il ne faut pas croire pour autant que les interventions s'effectuent sans difficultés. Demandez plutôt au patron de notre canot de sauvetage « Maréchal-Foch Léon Avron, chevalier de la Légion d'honneur, de vous évoquer les souvenirs de certains sauvetages qu'il a effectués avant la guerre. Il vous racontera la terrible nuit du 13 décembre 1933, au cours de laquelle, par une mer démontée et une température glaciale, le canot de sauvetage partit au secours du bateau-feu « Dyck » qui, ayant brisé ses chaines, avait été jeté à la côte. Et aussi le sauvetage du chalutier belge Taillieter, le 18 janvier 1936, par une violente tempête l'accostage du bateau naufragé étant impossible, les 6 canotiers s'échelonnèrent de l'avant à l'arrière, amarrés aux rambardes, et tandis que le « Maréchal-Foch » défilait le long du chalutier, chacun saisit à bras le corps, l'un des matelots belges ! Depuis 1950, un nouveau canot a remplacé celui que les Allemands avaient transformé en vedette et qui fut coulé dans l'Atlantique. Il s'appelle toujours -le « Maréchal-Foch » et, comme son prédécesseur, il a déjà de nombreux sauvetages à son palmarès. N'en retenons que l'étonnante diversité des bâtiments secourus : des chalutiers ou des cordiers de Calais ou des ports voisins ; des chalutiers belges ; le caboteur hollandais « Piet-Shipper » ; des yachts anglais ; le yacht norvégien « Svalda » ; un paquebot de la ligne Calais-Douvres; le cargo suédois "Taberg"; le liberty-ship « Western-Farmer et même un hydravion américain de l'Air Sea Rescue. L'un des derniers sauvetages est celui du chalutier belge « Smarapaan le 16 février 1958. Jeté à la côte devant le Blanc-Nez, il lança son signal de détresse. Le « Maréchal-Foch » appareilla en un temps record, et grâce à la rapidité de son intervention, évacua les cinq hommes de l'équipage avant que leur bâtiment ne soit disloqué au pied de la falaise. Pour le patron Léon Avron et son vaillant équipage, ce sont là faits courants, car, pour un marin, -c'est tout naturel que de porter secours à celui qui est en difficulté. Mais, pour vous, amis lecteurs, lorsque vous appréciez le charme d'une veillée d'hiver au coin du feu ou le confort de votre lit, pensez qu'au même instant peut-être notre canot de sauvetage vient de quitter le port et fonce dans la nuit, balayé par des vagues glaciales... (G.W.)

    Il y a quelques mois « l’Equateur » s’échouait au cap Gris-Nez

    Pin It

    votre commentaire
  • 15 avril 1946

    Un des nombreux cheminots calaisiens qui assistaient à la renaissance de Calais-Maritime et à la reprise du service Calais-Douvres nous a laissé ses impressions. Nous avons pensé que ce retour au passé ne laisserait pas indifférent tous ceux qui, à des titres divers vécurent une journée historique « La date du 15 avril .1946 restera dans les annales de la vie ferroviaire et maritime de Calais.

    Après 7 années d'interruption due à la guerre mondiale, le service régulier des passagers entre la France et l'Angleterre par la voie maritime la plus courte a repris. Par une splendide journée de printemps, sous un soleil radieux, le premier vapeur, le S/S Canterbury, chevronné de la ligne mais très bien restauré, a fait une entrée majestueuse dans le chenal de Calais.

    Parti de Douvres à 12 h 20 avec 359 passagers, il arriva à Calais à 13 h 41 avec une avance de 9 minutes sur l'horaire, ayant effectué la traversée par mer extrêmement calme. De nombreuses personnalités anglaises et passagers de marque étaient à bord. A quai, les personnalités locales et régionales françaises attendaient cette arrivée symbolique. »

    Aussitôt les passerelles jetées, les voyageurs prirent la direction de la « Flèche d'Or » en partance pour Paris tandis que les personnalités se réunissaient dans le salon du paquebot, pour une cérémonie placée sous le signe d'une très sympathique et réciproque cordialité franco-britannique. Le directeur de la Southern Railways, au cours d'un speech dont le ton singulièrement doux révélait une discrète émotion, sut dire sa joie de revoir Calais ouvert au trafic maritime des voyageurs après les terribles destructions et porta un toast à l'avenir de la « ligne. » « M. le Président de la Chambre de Commerce de Calais, dans une brève allocution, exprima la gratitude de tous envers ceux qui ont été les auteurs de cette renaissance « Calais a été et sera toujours une Grande " Porte de France ". M. le maire ajouta à ces mots les remerciements de la ville de Calais. Les invités purent ensuite admirer la coquette gare maritime renaissant de ses cendres, toute blanche et joliment décorée. La salle des douanes, vaste, claire et bien conditionnée avec ses haut-parleurs encastrés dans le plafond émerveilla les voyageurs du train de Bâle, tandis que le vestibule surprit par son heureuse disposition les voyageurs qui effectuèrent des opérations de change, télégraphièrent ou prirent des billets. »

    « A 14 h 47, la Flèche d'Or » prit son départ emmenant dans ses luxueux Pullman attelés à une magnifique Pacific ornée d'un écusson de drapeaux alliés, les personnalités et les 53 premiers voyageurs

    Londres-Paris. A 15 h, le train de Bâle suivit son glorieux confrère emportant un peu de cette symbolique journée... et 22 voyageurs. » <Selon les horaires prévus, arrivèrent le 'train Y. P. venant de Bâte et le train 19 avec 88 voyageurs venant de Paris. Ceux-ci, après un court séjour en gare, montèrent à bord et à 16 h 35, les passerelles enlevées, le S/S Canterbury quitta la terre française pour rejoindre Douvres sous un soleil à peine déclinant. » « Tous les services : S.N.C.F., Southern Railways, SAGA, Douane, P.T.T., furent à la hauteur de leur tâche. Avec une amabilité et une diligence extrême, ils surent faciliter aux premiers passagers les inévitables opérations de débarquement, de contrôle et d'embarquement tant à bord qu'à terre et dans les trains. Les bagages furent également chargés dans les délais les plus rapides, une demi-heure avant le départ de la « Flèche d'Or », les douaniers avaient terminé leur travail. »

    « Les efforts de tous ceux qui ont fait renaître Calais-Maritime ont eu leur véritable consécration en cette merveilleuse journée. Le 15 avril 1946, ils ont connu la récompense que les britanniques accordent très l'enthousiasme, qu’ils ont rarement manifesté devant -l'œuvre accomplie. »


    votre commentaire
  •  Calais : la géographie fait l'histoire par Henri Ravisse (1929-1997), président de la Chambre de commerce et d'industrie de Calais (1980-1997)

     

     

     

     Par temps clair, en me promenant le long de la plage de Calais, il m’arrive souvent d’apercevoir de l’autre côté du détroit, le château de Douvres.

     A une trentaine de kilomètres à vol d’oiseau, la côte britannique semble à portée de la main et telle proximité ne pouvait que contribuer à imposer à Calais un grand rôle dans l’histoire.

     C’est par le port de Calais que Richard Cœur de Lion passa avec ses armées en route vers la Palestine pour la troisième croisade.

     C’est à Calais que le roi Louis XVIII « fut rendu à l’amour des Français », comme l’indique encore aujourd’hui le monument élevé à cette occasion à deux pas du port.

     C’est par Calais que transitent chaque année plus de 9 millions de voyageurs et plus de 2 millions de véhicules.

     Pourtant, tout cela débuta il y a une dizaine de siècles lorsqu’un petit port naturel se forma dans l’estuaire du Nieulay, une rivière qui drainait des terres encore à demi immergées que la mer avait envahies au Ve siècle.

      Richard Cœur de Lion avait déjà apprécié son passage « via Calais »

      Probablement petit village de pêcheurs à l’origine, Calais devint très rapidement un point de passage habituel pour tous ceux qui voulaient se rendre en Angleterre, au pays de Guillaume le Conquérant. Pour Richard Cœur de

     Lion, à l’heure de la troisième croisade, la solution la plus facile pour faire franchir le détroit à ses chevaliers passait par Calais et à son retour de croisade, il emprunta le même chemin. Très satisfait, Richard Cœur de Lion décida d’ailleurs d’octroyer aux Calaisiens une charte de privilèges importants qui contribua à développer le commerce entre les deux pays.

     Le rôle stratégique de Calais était déjà évident à cette époque et dès 1190, Henri de Louvain accorda aux Calaisiens l’autorisation d’établir un port. Quelques années plus tard, un entrepôt, pour abriter les marchandises, fut construit.

     Le début du XIIIe siècle mit Calais au premier plan de l’actualité puisqu'en 1213, la flotte de Philippe Auguste y fit escale. Deux ans plus tard, le prince Louis, le fils de Philippe Auguste, le futur roi Louis VIII le Lion, y prépara son expédition vers l’Angleterre, où il y poursuivit Jean sans Terre qu’il avait battu à Bouvines. Le port de Calais entrait dans l’histoire alors qu’il ne s’agissait encore que d’un modeste havre, déjà convoité par les Anglais qui imaginaient tous les avantages de posséder une tête de pont sur le comment.

     Les comtes d’Artois s'efforcèrent de développer Calais, mais les lourdes taxes qu’ils imposèrent sur les marchandises ruinèrent le port. Lorsque Mahaut d’Artois rendit aux Calaisiens leur échevinage la prospérité revint avec l‘importation des vins et des laines, des bières et du bacon, du fer et du plomb, des cuirs et des harengs.

     Pour les Anglais, Calais demeurait cependant un « nid de corsaires », animé par le célèbre Paidroghe et dès cette époque, ils envisagèrent une action militaire pour s‘emparer de la ville. Après la bataille de Crécy, l'heure de la conquête avait sonné, mais ce ne fut qu’à l'issue du long siège qui offrit à l'histoire l’épisode des Six Bourgeois que Calais, en 1347, passa aux mains d’Edouard III.

     Sous la domination anglaise, la prospérité

      Les Calaisiens furent exilés et les imigrants, attirés par de nombreux privilèges, affluèrent. Les Anglais firent de Calais une redoutable citadelle, véritable base de leurs opérations militaires dans les pays voisins du Roi de France.

     Lorsqu’Edouard III ordonna de tenir à Calais l’étaple du plomb, de l’étain, de la plume et des étoffes de laine, il souleva le mécontentement des villes anglaises.

     Ces années d’occupation furent cependant prospères même si à plusieurs reprises, craignant une attaque française, les Anglais préférèrent replier certains de leurs intérêts chez eux de l'autre côté du Channel et à Bruges. Il convient de noter également que, grâce aux Anglais, Calais fut le seul port français à appartenir à la très puissante Hanse. Vers les années 1400, les sables devaient envahir la crique naturelle qui formait le port et les Anglais décidèrent de creuser le « Grand Paradis » et transformèrent pour la pêche l’un des bassins du port. Ce bassin existe d'ailleurs encore aujourd‘hui et sert à abriter les bateaux de pêche artisanale qui échouent à chaque marée.

     Les Français n’avaient cependant pas oublié Calais et cette enclave anglaise sur le territoire de France leur devenait de plus en plus insupportable. En 1436, le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, échoua dans une tentative de reprise de la ville qui, au fil des armées, devenait de plus en plus prospère grâce au commerce des laines, des étoffes, des cuirs, des minerais, mais aussi du fromage et du beurre. Les “Staplers of Calais" étaient si riches qu’ils avançaient aux différents mis les sommes nécessaires pour entretenir la puissante garnison.

     Il fallut attendre 1558 pour qu'Henri le Balafré, le duc de Guise, parvienne à bouter hors de France les envahisseurs qui avaient passé deux siècles à Calais. La nouvelle jeta la consternation en Angleterre, alors que les Français se réinstallaient dans la ville. Tout comme pendant la période d’occupation des richesses immenses devaient s'y accumuler, ce qui ne manqua pas de tenter la cupidité des Espagnols qui détenaient alors les territoires au—delà de l’Aa, à une quinzaine de kilomètres de Calais. Les Espagnols s’emparèrent de Calais en 1596, par surprise, mais n’y restèrent que deux années.

    Un point de l'histoire qui ne sera peut-être jamais élucidé...

     L’invasion de la Gaule par les Romains donna au Calaisis une grande importance. Etant le point le plus rapproché de l‘Angleterre, il fut tout naturellement la base de départ de plusieurs tentatives de débarquement en Grande—Bretagne. Jules César y rassemble une flotte de 800 à 1 000 voiles qui, avec cinq légions et 2000 chevaux, se lancèrent à la conquête de l'Angleterre. On ne sait pourtant pas si le célèbre « Portus ltius » était localisé à Calais même, dans l’estuaire du Nieulay ou à quelques kilomètres, à Sangatte ou à Wissant.

     Un point de l'histoire que les historiens ont encore à préciser.

    Le port de Calais par Nicolas Ozanne (1776) - CCI Calais.

    Calais aurait pu devenir grand port de guerre sous Richelieu

     En 1598, le traité de Vervins rendait définitivement Calais à la France. Sous Henri IV, les fortifications de la ville furent améliorées par Dominique de Vic puis, sous le règne de Louis XIII, les défenses furent mises au goût du jour par le marquis de Saint-Chamont. La frontière était toujours sur l’Aa et Dunkerque n’était pas française.

     Richelieu, inquiet de cette menace du nord, chargea d‘Infreville, son commissaire général de la Marine, d’étudier les possibilités de construction d’un grand port de guerre à l'ouest de  Calais.Le projet suivit sons cours, mais quelques années plus tard, en 1668, Louis XIV s’emparait de Dunkerque, pour le plus grand malheur des Calaisiens. Si Vauban continua de fortifier la ville, le port fut délaissé. Le roi de France, pour ancrer définitivement « Dunkerque l’espagnole » au royaume de France, accorda de nombreuses franchises qui accentuèrent les détournements de trafic.

     Trop lourdement taxées, les marchandises qui étaient débarquées à Calais ne pouvaient être dirigées vers l’intérieur, faute de chemins en bon état. Le port s’ensabla en partie et pendant des dizaines d’années, l’activité économique déclina.

     Le XVIIIe siècle fut marqué à Calais par la visite de Pierre le Grand, tsar de toutes les Russies, qui y débarqua pour une visite en France. Le Tsar fut si bien accueilli à Calais qu’il y séjourna plusieurs mois, obligeant même le roi de France à envoyer l’un de ses émissaires, afin de l’attirer vers la capitale en 1717.

     Un siècle plus tard, Napoléon vint à Calais, afin d’étudier lui aussi la possibilité de construire un immense bassin à flot, comportant deux entrées, en vue d’y abriter une importante flotte de guerre. Le projet n’eut pas de suite.

     En ce début de XIXe siècle, le trafic régulier avec l’Angleterre prit de l’importance et de 1811 à 1819, on améliora le quai des paquebots. C’est d’ailleurs sur l’un de ses navires qu’en 1814, rentra d’exil le roi Louis XVIII.

     L’activité du port semblait vouloir renaitre, mais le gros problème qui se posait alors, concernait l’ensablement des bassins et du chenal d'accès.

      Un grand bassin de commerce pour ressusciter le port

      Le salut du port de Calais vint de la construction d‘un vaste bassin à flot, réalisé sous le règne de Louis—Philippe d'après les plans de l’ingénieur en chef Raffeneau de Lisle. Un immense bassin des chasses devait, quant à lui, permettre l'entretien du chenal.

     Mis en service en 1842, ce bassin avait une superficie de deux hectares et avec 125 mètres de long, offrait une grande capacité. Le chenal d'accès du port avait à l'époque une centaine de mètres de large et les jetées une longueur de, respectivement 473 mètres pour la jetée Ouest et 1 137 mètres pour la jetée Est.

     Le chemin de fer était relié au port et la mise en service, en 1848, d’une ligne Calais—Paris, eut pour effet de doubler d‘une année sur l'autre le nombre de passagers du port. De 17 956 passagers, on passa à 36 376 passagers l’année suivante. Calais venait de confirmer définitivement sa vocation de port transmanche, même si le XIXe siècle, décidément très riche pour notre développement portuaire, devait doter Calais d‘un grand port de commerce encore en exploitation aujourd‘hui.

     C'est une 10l du 14 décembre 1875 qui déclara d‘utilité publique un vaste ensemble de travaux qui prévoyait la construction d‘un bassin de retenue pour accroître la profondeur du chenal par des chasses puissantes, la construction d‘un nouvel avant-port pour 1es paquebots internationaux, la réalisation d‘un grand bassin à flot à l‘est de la ville et le déplacement de la gare de voyageurs.

     Le nouveau port fut inauguré en 1989 par le président Sadi Carnot et il convient de saluer le génie des ingénieurs de l‘époque qui réalisèrent un port encore exploité aujourd’hui pratiquement dans sa configuration originelle.

     Cette époque fut une période de décollage économique pour le port de Calais. En 1875, on comptait déjà plus de 212 000 passagers au port de voyageurs et en 1900, année de l‘exposition universelle de Paris, le total grimpe à plus de 547 000 voyageurs. Les premières grues hydrauliques firent leur apparition en 1890. Le port de Ca1ais était dès lors bien équipé et sans tarder, ces facilités attirèrent des industriels.

     En quelques années, on vit s’installer sur la zone portuaire de nombreuses entreprises dont certaines, comme les Câbles de Lyon, sont encore en activité aujourd‘hui. Dès 1916 les élus de la Chambre de commerce et d'industrie présentaient au Gouvernement une demande d‘autorisation et de subvention pour réaliser un nouveau port à l‘est de la ville, celui de 1889 étant déjà saturé.

     Comme on va le voir cette demande ne devait déboucher... qu‘aujourd‘hui. Si entre—temps le trafic de passagers s'est maintenu au plus haut niveau, il est certain que le développement industriel du Calaisis en a souffert.

    Le port de Calais par Salatier - 1827 - {CCI Calais}.

    Le bassin à flots construit en 1842 {CCI Calais}.

    L‘entrée du port de Calais fin XIXe siècle.

    Les Jumbo car ferries lancés pour lutter contre la concurrence du tunnel sous la Manche {CCI Calais}.

    Le nouveau port en eau profonde qui entrera en service fin 1989 (CCI Calais}.

    Défi d'un tunnel

     Depuis environ deux ans, aux portes de Calais, l’immense chantier du tunnel sous la Manche nous rappelle à chaque instant que dans un proche avenir, notre port aura à faire face à la mise en service d‘un redoutable concurrent.

     Premier port d’Europe continentale pour les échanges avec la Grande—Bretagne, Calais s’est également hissé, au fil des ans, à la 6‘ place dans le classement des ports français dans le domaine des marchandises. C’est dire l‘importance des efforts des responsables portuaires qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre en place, avant cette échéance en 1993, les conditions d’une concurrence possible.

    Il est évident que c’est le port transmanche qui aura le plus à souffrir de l’apparition d’un nouveau moyen de franchir le détroit du pas de Calais.

     Lorsque l’on sait que ce port transmanche assure aujourd'hui plus de 90 % des recettes du port de Calais, on comprend mieux l'acharnement des Calaisiens à se doter des équipements susceptibles de donner au port de commerce une dimension qu‘il n’avait pas jusqu’à présent.

    Pour préparer cette échéance de 1993, la Chambre de commerce et d’industrie de Calais, qui gère les intérêts du port, n‘est pas seule. Les compagnies maritimes qui exploitent la ligne Calais—Douvres ont compris que pour lutter contre le tunnel, il fallait à la fois offrir à la clientèle des car—ferries toujours plus confortables et faire tomber les coûts d’exploitation. L’arme absolue de cette

    Concurrence a déjà fait son apparition sur le détroit du pas de Calais : il s’agit des "Jumbo car ferries". Capables de transporter à chaque traversée 2 300 passagers et plus de 650 véhicules de tourisme, ces transbordeurs assurent la traversée en 75 minutes. Le port de Calais, pour les accueillir, a réalisé de nouvelles passerelles à double niveau et à deux fois deux voies de circulation

    L’amélioration des accès autoroutiers du port de Calais contribuera également à placer, tout au moins au plan théorique, le port et le tunnel dans des conditions de concurrence normale. Pour Calais, c’est important, car il y va naturellement de Son avenir.

    L’Échéance de 93 coïncidera avec 1’ouverture des frontières. Il faut également la préparer en aménageant un nouveau port de commerce mieux adapté au transport maritime d’aujourd’hui et de demain. Comme nous l’avons vu le port de commerce de Calais, dont la vocation est avant tout de servir les industries locales, date du siècle dernier. Un nouveau port en eau profonde est en cours de réalisation à l'est du port actuel :  trois postes à quai, permettant d’accueillir simultanément trois cargos de type Panamax, sont en cours de réalisation. Il sera opérationnel dès la fin de cette année. Pour les Calaisiens, ce nouvel outil portuaire, financé dans sa grande majorité par la Chambre de commerce et d’industrie, est un atout formidable. Il sera mieux adapté aux besoins des industriels déjà implantés chez nous, comme les « Câbles de Lyon », « Tioxide », « Vieille Montagne », « Union Carbide », etc. et permettra d’attirer à Calais de nouveaux investisseurs intéressés par les terrains encore disponibles sur nos zones industrielles les                                 « pieds dans l'eau ».

     Tout ce programme représente un effort financier important de plus de 500 millions de francs, mais c’est à ce prix que nous assurerons notre avenir. La mise en service du « lien fixe » aura sans aucun doute des conséquences redoutables sur le trafic transmanche. Des études objectives nous font craindre que l'on retombe après 93, à un niveau de trafic équivalent à celui de 1970. A cette époque, nous n’avions chaque année que trois millions de passagers contre 9 actuellement. Ces mêmes études indiquent qu’il nous faudra ensuite plusieurs années avant de retrouver un niveau de trafic voisin de celui que nous connaissons aujourd’hui. Des années difficiles sont à redouter, mais je veux rester optimiste. Personne ne pourra nous enlever notre situation géographique exceptionnelle.

    L‘avenir du port de Calais sera à l‘image de celui du Calaisis qui va connaître dans les prochaines années une véritable révolution au plan des moyens de communications. Autoroutes, trains à grande vitesse, aéroglisseurs, tunnel sous la Manche, car-ferries et cargos, sans oublier les avions, feront de ce secteur un lieu unique au monde où convergeront tous les moyens de transport connus à ce jour.

     Plus encore que dans le passé, le port de Calais sera ce maillon indispensable de la chaîne de transport. Un maillon bien équipé et bien adapté aux exigences de ses clients. 

    Les nouvelles passerelles capables d ‘accueillir les Jumbo car ferries.

    Le trafic du port de Calais en 1988

     8 690 716 passagers

     2 037 340 véhicules dont 704 201 véhicules commerciaux

    12 456 948 tonnes de marchandises

     Evolution des trafics de 1978 à 1988 :

      — passagers : + 68 %

     — véhicules de tourisme : + 59 %

     — véhicules commerciaux : + 144 %

    Les différents trafics du port de commerce

     A l'import :

      Scories de titanium du Canada, minerais de zinc du Pérou, d'Irlande et de Suède, coke de pétrole d’Angleterre, produits forestiers de Russie, de Scandinavie, soufre liquide de Bayonne, ferraille d'Angleterre, graves de mer.

      A l'export :

      Véhicules neufs, marchandises diverses, houille et coke des mines du Nord—Pas— de-Calais et de Lorraine, sucre, acide sulfurique vers l'Angleterre, la Finlande, la Suède, L'Espagne et le Portugal, la côte occidentale d'Afrique, l’Algérie, le Proche-Orient et le Moyen-Orient.

     

     

     

     

    Tiré du magazine Cols bleus du 18 mars 1989 

     

    Pin It

    2 commentaires
snow