• Le Courgain et ses sauveteurs

    Le sauveteur de bronze est toujours là, prêt à jeter l’amarre au marin en détresse. (Cl. Broncard)

    Avant la dernière guerre, le quartier des pêcheurs, que l'on appelait le Courgain Maritime, était certainement le coin le plus pittoresque de notre cité. Abritées derrière la « muraille », seul vestige des fortifications qui l'entouraient autrefois, ses petites maisons, le plus souvent occupées par deux familles qui disposaient l'une au sous-sol habitable et du rez-de-chaussée, l'autre de l'étage et de la mansarde, se serraient autour des deux « centres » du quartier l'église - Saint-Pierre-et-Saint-Paul, et le minck, vaste bâtiment où le poisson était vendu à la criée au retour de la pêche. Les rues étroites étaient animées par les allées et venues d'une population nombreuse, riche en enfants.

    Au soir du 26 mai 1940, le Courgain n'était plus que maisons écroulées et décombres fumantes.

    Dans les modestes demeures, I’ incendie avait consumé l'armoire dans laquelle la Courguinoise conservait avec soin le costume dont elle était si fière, avec ses châles brodés et le bonnet tuyauté en forme de soleil. Mais à quelques pas de la « muraille », un monument était resté debout, semblant prouver la volonté de vivre « Le Sauveteur » du Courgain de bronze était toujours là, sur son piédestal de pierre, prêt à jeter l'amarre au marin en détresse. Près de vingt ans ont passé depuis ces tristes journées. Un nouveau Courgain a été reconstruit, et ses rues ont retrouvé leurs noms d'antan, témoignage de reconnaissance envers ces enfants du pays, ces Gavet, ces Delannoy ces Mulard, et tant d'autres vaillants sauveteurs, toujours prêts à armer un canot pour voler au secours de leurs frères, en perdition dans le détroit.

    Car nos marins calaisiens n'ont pas attendu, pour faire preuve de leur dévouement, la création de la société centrale de Sauvetage par l'amiral Rigault de Genouilly, en 1865, ni même la fondation de la Société Humaine de Calais, en 1834, sous les auspices du prince de Joinville.

     Nombreux sont les actes de courage que relatent les annalistes et les historiens calaisiens. En février 1756, c'est une frégate anglaise qui fait des signaux de détresse devant le port ; sans s'arrêter à en considérer le pavillon, nos marins arment une chaloupe pour lui porter assistance. Le 18 octobre 1791, par une furieuse tempête, un bateau pêcheur de Dieppe, le « Saint-Pierre », d'un équipage de 34 hommes, fait naufrage à l'est du port. Les Calaisiens réussissent à arracher 21 matelots à la mort et à les ramener au port, mais, dans un ultime essai, leur barque se brise et deux sauveteurs périssent victimes de leur dévouement. Le 14 novembre 1795, un brick anglais, le « Cléopâtre », s'échoue devant Calais. A son bord se trouvent des émigrés français, dont les ducs de Montmorency et de Choiseul. Malgré la tempête, nos sauveteurs, sous la conduite d'un fameux marin, Tom Souville, abordent le brick naufragé, sauvent ses occupants et donnent une magnifique leçon d'humanité à la postérité en transbordant, au risque des plus grands dangers, les plus compromis des émigrés sur un navire anglais qui était au large.

    Les siècles ont passé et, comme dans tous les domaines, le progrès permet maintenant aux sauveteurs d'agir avec le maximum de rapidité et d'efficacité. Mais il ne faut pas croire pour autant que les interventions s'effectuent sans difficultés. Demandez plutôt au patron de notre canot de sauvetage « Maréchal-Foch Léon Avron, chevalier de la Légion d'honneur, de vous évoquer les souvenirs de certains sauvetages qu'il a effectués avant la guerre. Il vous racontera la terrible nuit du 13 décembre 1933, au cours de laquelle, par une mer démontée et une température glaciale, le canot de sauvetage partit au secours du bateau-feu « Dyck » qui, ayant brisé ses chaines, avait été jeté à la côte. Et aussi le sauvetage du chalutier belge Taillieter, le 18 janvier 1936, par une violente tempête l'accostage du bateau naufragé étant impossible, les 6 canotiers s'échelonnèrent de l'avant à l'arrière, amarrés aux rambardes, et tandis que le « Maréchal-Foch » défilait le long du chalutier, chacun saisit à bras le corps, l'un des matelots belges ! Depuis 1950, un nouveau canot a remplacé celui que les Allemands avaient transformé en vedette et qui fut coulé dans l'Atlantique. Il s'appelle toujours -le « Maréchal-Foch » et, comme son prédécesseur, il a déjà de nombreux sauvetages à son palmarès. N'en retenons que l'étonnante diversité des bâtiments secourus : des chalutiers ou des cordiers de Calais ou des ports voisins ; des chalutiers belges ; le caboteur hollandais « Piet-Shipper » ; des yachts anglais ; le yacht norvégien « Svalda » ; un paquebot de la ligne Calais-Douvres; le cargo suédois "Taberg"; le liberty-ship « Western-Farmer et même un hydravion américain de l'Air Sea Rescue. L'un des derniers sauvetages est celui du chalutier belge « Smarapaan le 16 février 1958. Jeté à la côte devant le Blanc-Nez, il lança son signal de détresse. Le « Maréchal-Foch » appareilla en un temps record, et grâce à la rapidité de son intervention, évacua les cinq hommes de l'équipage avant que leur bâtiment ne soit disloqué au pied de la falaise. Pour le patron Léon Avron et son vaillant équipage, ce sont là faits courants, car, pour un marin, -c'est tout naturel que de porter secours à celui qui est en difficulté. Mais, pour vous, amis lecteurs, lorsque vous appréciez le charme d'une veillée d'hiver au coin du feu ou le confort de votre lit, pensez qu'au même instant peut-être notre canot de sauvetage vient de quitter le port et fonce dans la nuit, balayé par des vagues glaciales... (G.W.)

    Il y a quelques mois « l’Equateur » s’échouait au cap Gris-Nez

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